émission de radio sur la future loi obligeant les schizophrènes à prendre leur traitement

L’émission de débat radiophonique de Julie Clarini et Brice Couturier « du grain à moudre » du 14 avril 2010 était consacrée au projet de loi du ministère de la santé sur les soins obligatoires remplaçant la loi de 1990.

Lien pour télécharger l’émission (clic droit -> « enregistrer sous ») ou l’écouter en streaming [format mp3 – 36,1 Mo]

Invités :
Hervé Bokobza = psychiatre, porte parole du collectif « Nuit sécuritaire »
Jean Canneva = président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM).
Michel Triantafyllou = psychiatre chef du service psychiatrique de l’hôpital Max Forestier de Nanterre
vice président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)
Gilles Devers = avocat au barreau de Lyon, spécialiste du droit relatif aux pratiques de soin

Texte de présentation de l’émission :

Quand la vigilance est un nouveau mode de rapport généralisé au monde, quand, comme l’écrit Michael Foessel dans son dernier ouvrage, la sécurité devient l’emblème d’une mobilisation de tous les instants, comment trouver encore de la place parmi nous pour les fous ?
Car comme on l’imagine des marginaux, asociaux et déviants de toutes espèces, certains malades mentaux représentent bien un danger, un danger pour eux-mêmes d’abord, et un danger (moins souvent, mais parfois) pour les autres, comme nous l’a rappelé récemment cette sordide affaire du pousseur du métro. Dès lors, que faire avec ce risque que leur liberté représente ? La psychiatrie n’a cessé tout au long de son histoire de buter sur la question. Soigner ? Bien sûr, c’est la première et même la seule réponse, mais quand l’état du malade ne lui permet pas d’y consentir ? Soigner de force, enfermer ? Mais de quel droit et sous quelles conditions ?
Le pousseur du métro – un jeune schizophrène qui avait cessé son traitement – a permis de mettre sous les projecteurs le projet de loi en voie de finalisation en ce moment-même au Ministère de la Santé. Il entend développer les « soins obligatoires » ; il permettrait, en outre, à un établissement de prendre l’initiative d’une hospitalisation d’office dans le cas où un malade ne se présenterait pas à son rendez-vous thérapeutique.
Pour de nombreuses familles, cette perspective est un soulagement : elles leur permettraient de sortir de l’impasse dans laquelle elles se trouvent quand elles constatent chez un proche, impuissantes, la non-observance d’un traitement. Mais pour certains médecins, il s’agit ni plus ni moins d’une nouvelle procédure de séquestration et de contrainte, qui va transformer les soignants en agents d’un contrôle social organisé.
Bref, alors même la psychiatrie s’enfonce dans la crise, étouffée par les coupes budgétaires et la lassitude du personnel, nous propose-t-on une nouvelle mesure de soin, ou un nouveau dispositif de contrôle ?

Commentaire personnel :
L’émission est intéressante (le rappel des lois concernant les psychotiques est salutaire) mais la présence de l’invité partisan acharné du consentement pour les soins (Hervé Bokobza) est critiquable.
Il était aussi intéressant d’entendre l’UNAFAM et sa position sur l’obligation de prise en charge des malades par les services hospitaliers ou médico-psychologiques (CMP).

débat à la télévision sur la dangerosité des schizophrènes

Le « talk-show » (programme télévisé de débat avec des experts) C dans l’air du mercredi 7 avril 2010 était consacrée à la schizophrénie. L’émission prenait pour prétexte l’affaire du pousseur du RER à Paris qui a tué un voyageur en le jetant sur les voies sous un train pour se consacrer à la dangerosité des schizophrènes et à la réponse des pouvoirs publics (réponses sanitaire, policière et judiciaire).

Quelques commentaires sur l’émission :

– L’émission était intéressante mais encore une fois on ne parle de la schizophrénie que sous l’angle de la dangerosité des malades.
Certes il ne faut pas nier le phénomène des pousseurs (1 en 2009 et 4 depuis le début de l’année 2010 mais dont seulement 1 sur les 4 est formellement considéré comme schizophrène, le dernier) ni les crimes commis par des schizophrènes mais ceux-ci sont rares.
On sait que la télévision ne parle pas des trains qui arrive à l’heure mais elle pourrait s’intéresser aux schizophrènes qui sont insérés dans la société et qui travaillent. Il n’y a pas eu de C dans l’air sur les schizophrènes non-dangereux, seulement une sur les exclus qui parlait du tiers de SDF qui ont des problèmes psychiatriques et qui sont mal ou pas soignés.

– Cela n’a été dit qu’à une seule reprise dans l’émission (par le psychologue et criminologue Jean-Pierre Bouchard) et aurait dû être répété : il y a 600 000 schizophrènes en France (1% de la population) et seulement quelques affaires de schizophrènes criminels (les schizophrènes commettent des crimes en même proportion que les personnes non-malades et beaucoup de meurtres (passionnels, crapuleux, règlements de compte, vengeance,…) sont commis par des personnes saines).

– Cela n’a été rappelé que 2 fois brièvement (1 fois lors du débat et 1 fois par un téléspectateur qui a fait cette remarque par SMS) mais la majorité des schizophrènes ne sont pas dangereux. Et certains qui peuvent être dangereux ne le sont plus quand ils sont soignés.

– Les schizophrènes sont le plus souvent victimes que coupables de violences et de crimes à cause des nombreux schizophrènes qui vivent dans la rue, par choix ou faute de place ambulatoire dans les hôpitaux psychiatriques (depuis 30 ans, aussi à cause des progrès des médicaments, de nombreux lits ont fermé) ou des appartements thérapeutiques.

– Les 2 psychiatres (Pierre Lamothe et Jean-Pierre Olié) et l’ancien magistrat (Bruno Thouzellier) renvoient la patate chaude de la prise en charge des malades potentiellement dangereux (quand un malade ne prend plus son traitement et rechute en faisant une crise avec Bouffée Délirante Aiguë (BDA)) :
. Les médecins de famille ne veulent pas faire de certificat médical pour une Hospitalisation à la Demande d’un Tiers (HDT) ou une Hospitalisation d’Office (HO) pour ne pas se fâcher avec un patient/client qui pourrait leur en vouloir après (je ne crois pas à cette excuse, la plupart des patients stabilisés sont redevables après coup à leur médecin de les avoir soignés sans leur consentement parce qu’ils en avaient besoin et les remercient pour cela).
. Les pompiers qui, malgré leur formation médicale, ne veulent souvent pas intervenir.
. Les policiers et les gendarmes qui ne veulent pas intervenir sans passage à l’acte ou flagrant délit.
. Les psychiatres des CMP (Centres médico-psychologiques) qui souvent ne veulent pas signer de certificat mécal pour une HO car l’esprit de la loi est que c’est à un psychiatre autre que le psychiatre qui suit le malade de signer ce certificat.
. Les maires de communes qui parfois ne veulent pas signer l’arrêté municipal d’HO, ne connaissant pas leur administré concerné ou n’étant pas disponibles la nuit pour venir aux urgences psychiatriques d’un hôpital.

Espérons que chacun prenne ses responsabilités quitte à ce qu’une nouvelle loi (celle en préparation) clarifie les obligations de chacun en cas de danger potentiel.

Autre chose intéressante dans l’émission, un reportage sur l’Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (UHSA) de Bron-Le Vinatier dans le Rhône, premier hôpital-prison de France (à ne pas confondre avec les UMD, Unité pour Malades Difficiles).