Question du journal Le Monde : Le ministre de l’intérieur, Claude Guéant, a déclaré que cette affaire [l’affaire du viol et du meurtre d’Agnès pas un adolescent récidiviste] démontre « une fois de plus que la psychiatrie n’est pas une science exacte ». Qu’en pensez-vous ?
Réponse du psychiatre Daniel Zagury,
psychiatre à l’hôpital de Ville-Evrard (Seine-Saint-Denis) et expert auprès de la cour d’appel de Paris :
M. Guéant confond diagnostic et pronostic, psychiatrie et criminologie, et il nie la part de responsabilité de celui qui a agit, le libre arbitre d’être humain qui fait qu’on passe à l’acte.
On peut faire une erreur de diagnostic, mais il n’existe pas à proprement parler d’erreur de pronostic car, par définition, même s’il est très favorable, il reste toujours une zone d’incertitude. Et c’est encore plus vrai pour les adolescents chez lesquels la personnalité est rarement fixée. Chez eux, il n’y a pas obligatoirement de parallélisme entre la gravité des actes commis et un trouble nettement repérable.
Tout juge et tout expert rencontrera dans sa carrière un cas de récidive. On ne peut véhiculer l’illusion qu’on pourrait totalement conjurer cette évidence par des mesures appropriées.On cherche à instrumentaliser la psychiatrie afin qu’elle obéisse à un objectif de certitude qui lui est parfaitement étranger et à lui faire assumer une fonction qu’elle ne peut que très modestement partager avec les sciences judiciaires, criminologiques et sociales. On peut repérer des sujets qui présentent plus ou moins de probabilité de réitération pour mieux les encadrer, les contrôler et les traiter, mais le risque demeurera.
Prétendre l’éliminer totalement serait aussi irrationnel que d’affirmer qu’il n’y aura plus jamais d’accidents de voiture.
Mais pas de contresens : on peut bien sûr mieux faire ! Ce que l’on ne peut pas, c’est affirmer que demain ou après-demain, on saura prédire l’avenir de chaque délinquant potentiel.