reportages de « C dans l’air » sur France 5 sur les « fous » criminels non-responsables pénalement

émission du mardi 20 décembre 2011

crimes la part des fous

psychiatres invités :

Roland Coutanceau
psychiatre des hôpitaux, criminologue et expert près la cour d’appel de Versailles, agréé par la Cour de cassation

Jean-Pierre Olié
chef de service de psychiatrie à l’hôpital Sainte-Anne à Paris

Pierre Lamothe
psychiatre et expert psychiatre auprès des tribunaux

– ancienne magistrate

Article présentant l’émission

Polémique en Belgique après l’attaque meurtrière à Liège, stupeur en Norvège suite aux conclusions des psychiatres concernant l’auteur de la tuerie d’Oslo, âpres échanges entre experts lors du procès du meurtrier de Valentin… La question de la responsabilité pénale est à nouveau en débats.

Le prévenu était-il conscient de ses actes ? Est-il atteint d’une maladie mentale grave ? Les faits sont-ils reliés à celle-ci ? Est-il pénalement responsable ? Autrement dit : sa place est-elle en prison ou en hôpital psychiatrique ? Au terme de dix jours d’audiences, où les débats se sont concentrés sur la capacité de discernement des accusés au moment des faits, voilà autant de questions auxquelles les jurés de la cour d’assises de l’Ain ont dû répondre avant de rendre leur verdict.

Ce dernier est tombé finalement dans la soirée du 15 décembre 2011 : Stéphane Moitoiret, jugé pour le meurtre du petit Valentin, a été condamné à la réclusion à perpétuité. Son ex-compagne Noëlla Hego, jugée pour complicité dans l’assassinat du petit garçon de 10 ans, tué de quarante-quatre coups de couteaux en juillet 2008, écope d’une peine de dix-huit ans de prison.

Depuis leur interpellation, quelques jours après le drame, la question de la responsabilité pénale de ces deux marginaux atteints de troubles psychiatriques, et plus largement de celles des malades mentaux, était posée. Et c’est sur cette problématique que tout le procès s’est focalisé.

Pas moins de dix experts se sont penchés sur leur cas, sans toutefois parvenir à la même conclusion. En effet, quatre se sont prononcés en faveur d’une « abolition » du discernement au moment des faits, alors que six ont tranché pour une « altération » du discernement, permettant ainsi une sanction pénale. Quant au diagnostic de la maladie dont souffre Stéphane Moitoiret, les avis étaient là aussi multiples. « Schizophrène de musée », selon le docteur Daniel Zagury ; « pré-psychotique », pour ses collègues Serge Bornstein et Agnès Peyramond, alors que les spécialistes Roland Coutanceau et Jean Canterino diagnostiquaient une « paraphrènie », forme rare de folie des grandeurs.

Les avocats de Stéphane Moitoiret avaient plaidé la folie et donc, l’irresponsabilité pénale de leur client. Cette option, « celle de l’abolition du discernement, ne présente pas de garantie, car il deviendra un malade avec tous les droits des malades », notamment celui de sortir prématurément de l’hôpital psychiatrique sur simple avis des médecins psychiatres, avait argué pour s’y opposer l’avocat général.

Finalement, les jurés ont suivi les réquisitions du parquet. Et, une fois de plus, c’est la folie qui vient de se retrouver en procès. Quelques jours après qu’en Norvège, les experts psychiatres chargés de se prononcer sur la responsabilité pénale d’Anders Behring Breivik ont estimé, dans leur rapport final, que l’auteur des tueries d’Oslo et d’Utoya souffre de « schizophrénie paranoïaque » et ne peut répondre de ses actes. Si ces conclusions étaient confirmées par la commission médico-légale, l’accusé serait jugé pénalement irresponsable. Il ne pourrait donc être condamné à de la prison et serait interné dans un hôpital psychiatrique. Toutefois, quoiqu’il arrive, son procès, qui doit commencer le 16 avril 2012, aura bien lieu et devra également déterminer sa culpabilité.

– proverbe cité dans l’émission : « demi-fou, double peine ».

Malheureusement ça aborde aussi les fous criminels.
Mais un des invités est Jean-Pierre Olié qui est très modéré et défend les malades.

– propos de Pierre Lamotte (expert psychiatre) : « il n’est pas défendu au fou d’être intelligent ! »

Compte-rendu d’une ancienne émission de « C dans l’air » sur le même sujet.

article du Monde « Les troubles mentaux augmentent chez les salariés »

Le Monde | 17.12.11 | 13h50 • Mis à jour le 17.12.11 | 19h47
Sur fond de crise économique, de mondialisation et de nouvelles organisations du travail, la santé mentale des travailleurs se dégrade. Tel est le constat de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pointé dans une étude publiée le mercredi 14 décembre, « Mal être au travail ? Mythes et réalités sur la santé mentale au travail « .

Selon l’organisation, qui regroupe 34 pays parmi les économies les plus avancées, mais aussi quelques émergents comme le Chili, la Turquie ou le Mexique, « la précarisation croissante des emplois et l’augmentation actuelle des pressions au travail pourraient entraîner une aggravation des problèmes de santé mentale dans les années à venir ». Et l’OCDE n’hésite pas à qualifier la santé mentale de « nouveau défi prioritaire pour le marché du travail ».

Par « mauvaise santé mentale », l’OCDE entend les dépressions graves, les toxicomanies sévères (alcool, drogue), les troubles maniaco-dépressifs… tous ces maux étant établis par un diagnostic médical.

La mauvaise santé mentale des salariés, et celle des demandeurs d’emploi, encore plus vulnérables, intéresse l’OCDE, parce qu’elle coûte cher. « Selon une estimation prudente de l’Organisation internationale du travail, écrivent les auteurs du rapport, les coûts d’une mauvaise santé mentale pour les individus concernés, les employeurs et la société représentent 3 à 4 % du produit intérieur brut dans l’Union européenne. » Les taux de chômage élevés, la « forte incidence de l’absentéisme pour maladie et d’une moindre productivité du travail » expliquent les coûts de ce fléau grandissant.

Car la plupart des personnes souffrant de troubles mentaux travaillent. Leur taux d’emploi oscille, selon les pays, entre 60 % et 70 %, soit une quinzaine de points de moins que les personnes en bonne santé. « Ces salariés sont plus souvent malades, plus longtemps, et, surtout, quand ils sont au travail, ils ne font rien, ce qu’on appelle « présentéisme » », explique Miranda Veerle, économiste et responsable du rapport.

La crise économique et ses conséquences apparaissent comme l’une des explications majeures de la détérioration de la santé mentale des salariés. Ainsi, établit l’étude, « la perte de l’emploi aggrave la détresse psychologique plus que n’importe quel autre événement de la vie, comme un accident ou la perte d’un conjoint ».

Mais le chômage n’est pas seul en cause. « Les récessions peuvent en effet s’avérer très stressantes pour les salariés qui conservent leur emploi. » Le risque de perte d’emploi a augmenté pour tous les travailleurs. Cette « insécurité » est passée de 14 % en 2005 à 17 % en 2010, et de 21 % à 40 % chez les travailleurs temporaires, qui sont « plus nombreux à souffrir de troubles mentaux ».

L’évolution même des modèles économiques joue un rôle important. Ainsi, les demandes de pensions d’invalidité, autrefois liées aux accidents dans l’industrie, sont de plus en plus dues aux maladies mentales. En compilant des études menées dans quelques pays et des comparatifs internationaux comme l’enquête sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe (Share) ou encore l’Eurobaromètre, l’OCDE estime qu’une demande de pension d’invalidité sur trois, et dans certains pays une sur deux, est motivée par des problèmes mentaux, un chiffre en augmentation depuis le milieu des années 1990.

Pour Miranda Veerle, « l’évolution vers une économie de services complique la donne : le contact avec les gens fragilise les personnes plus faibles mentalement qui résistent moins bien à la pression ». Résultat, la tension au travail a fortement augmenté dans presque tous les pays de l’OCDE. Au Royaume-Uni, elle concernait 40 % des salariés en 2010, contre 25 % en moyenne sur la période 1995-2005. En France, 30 % contre 20 % sur les mêmes périodes de référence, et en Espagne, 41 % contre 29 %. Les salariés les moins qualifiés sont les plus exposés. L’accroissement des troubles mentaux s’explique aussi en partie parce qu’ils sont plus nombreux à être détectés et divulgués,« grâce au recul progressif des préjugés et de la discrimination », tempère l’OCDE.

Mais celle-ci ne s’en tient pas au seul constat et met en avant quelques exemples vertueux, car la responsabilisation des entreprises dans le suivi des salariés atteints de troubles mentaux a une incidence réelle. « Aux Pays-Bas, indique Miranda Veerle, l’employeur reste responsable de ses salariés, même s’ils sont en arrêt, pendant deux ans, ce qui facilite la réinsertion et limite les conséquences désastreuses d’un licenciement sur la santé mentale. »

En Grande-Bretagne, la compagnie Bristish Telecom fait de l’état mental et du bien-être des salariés un élément de l’évaluation de ses managers. Mais ces initiatives sont encore trop rares.

Jeudi 15 décembre, le Parlement européen a adopté un rapport visant à renforcer la sécurité et la santé au travail. Karima Delli, rapporteure et députée européenne Europe Ecologie-Les Verts, a insisté sur la nécessité pour tous les Etats membres de mettre en oeuvre l’accord-cadre de 2004 sur le stress au travail. « Le stress au travail est reconnu comme un obstacle majeur à la productivité », a-t-elle expliqué.

Rémi Barroux

Méconnu ou tabou, le handicap psychique fait peur aux entreprises

AFP Publié le 18/11/2011 à 19:43

Reconnu depuis peu, le handicap psychique, dont souffrent environ 600.000 personnes en France, reste tabou dans les entreprises, souvent démunies face à ces troubles, ce qui complique l’embauche et le maintien dans l’emploi.

Ce handicap, distinct du handicap mental, n’a été officiellement reconnu que dans la loi de 2005. Une reconnaissance qui ne s’est toutefois accompagnée d’aucune définition.

Le handicap psychique est la conséquence de diverses maladies: les psychoses, et en particulier la schizophrénie, le trouble bipolaire, les troubles graves de la personnalité ou encore certains troubles névrotiques graves comme les TOC (troubles obsessionnels compulsifs).

Selon les associations, environ 600.000 personnes en France souffrent de troubles psychiques, qui affectent leurs relations ou leur comportement au travail. Et un tiers des Français vont être confrontés, directement ou dans leur entourage, à ce handicap.

Or « il y a dans les entreprises une incompréhension totale de ce handicap », a estimé Diane Flore Depachtère, dirigeante de DFD Consulting, cabinet spécialisé dans les politiques de diversité, lors d’un colloque organisé jeudi par le groupe Mornay.

« Les préjugés sont nombreux », a-t-elle détaillé: « les DRH craignent que les personnes recrutées atteintes de ces troubles fassent des +pétages de plombs+ sur les lieux de travail, que le taux de suicide explose… »

Soumises à des obligations d’emplois de personnes handicapées, les entreprises pensent d’abord à embaucher des handicapés moteurs, a confirmé Karine Reverte, directrice du Comité de coordination action handicap, lors du colloque.

Celles qui sont confrontées au handicap psychique semblent parfois démunies face à ces incidences au travail. « On est en veille permanente », a témoigné Dominique Bourbier, responsable d’équipe chez Orange.

Evoquant le cas d’un salarié « en poste depuis trois ans, et dont les soucis s’aggravent », elle a détaillé ses difficultés d’insertion professionnelle: « il met en moyenne 15 minutes à s’installer et 40 minutes à préparer ses affaires pour partir ».

« Cela crée des tensions avec ses collègues, qui ne comprennent pas la maladie avec ses obsessions, ses contrôles, les arrêts de travail à répétition, ou le fait qu’il redemande sans cesse si son travail est bien fait », a-t-elle raconté. « Toute l’ambiguité de la situation, c’est qu’on sent qu’il a besoin de travailler et qu’il veut toujours bien faire », a ajouté Mme Bourbier.

En effet, la travail se révèle être une expérience bénéfique pour les personnes en situation de handicap psychique, soulignent les associations.

Mais « les entretiens d’embauche sont souvent vécus comme une barrière infranchissables », a souligné Marli Stiefattre, responsable à l’association d’entraide « Vivre ». « L’idée d’expliquer ses troubles dans un CV, la crainte des réactions de l’employeur sont autant de freins pour les demandeurs d’emplois », a-t-elle expliqué.

Résultat: le taux de chômage des personnes atteintes de troubles psychiques, impossible à mesurer, serait « massif ».

Difficulté supplémentaire, le salarié n’est pas toujours conscient de sa pathologie ou ne la déclare pas.

Or « pour réussir une intégration professionnelle, il faut pouvoir aménager les postes et le rythme de travail, donc bien connaître l’état de santé du salarié », a souligné Bruno Benyounes, médecin du travail chez Sanofi.

Selon les professionnels du sujet, qui ont tous insisté sur l’importance de l' »accompagnement », les personnes ont plus de facilité à parler de leur handicap lorsqu’elles « se sentent en confiance ».

« Leur devenir ne dépend pas seulement de l’évolution de la maladie mais aussi de leur environnement au travail », a notamment insisté Bernard Pachoud, psychiatre et chercheur au CNRS.

article paru sur LePoint.fr le 18 novembre 2011.