Non, Mohamed Merah n’était pas atteint de schizophrénie (qui n’a rien à voir avec la double personnalité) et n’avait pas de « tendances schizophrènes »

Une journaliste de France 2 qui avait réalisé un reportage sur la DCRI a eu des infos de la part de sources policières et contre terrorisme sur Mohamed Merah, le tueur de Toulouse et Montauban.
D’après ses sources et elle, Mohamed Merah avait des « tendances schizophrènes » (sic, l’adjectif de schizophrène étant schizophrénique).

Voici ce qu’a dit Bernard Squarcini, directeur central du renseignement intérieur (la DCRI qui est née de la fusion de la DST et d’une partie des RG) :

« C’est un Janus, quelqu’un qui a une double face, explique le chef de la DCRI. Pour avoir fait ce qu’il a fait, cela relève davantage d’un problème médical et de fanatisme que d’un simple parcours jihadiste. »

Or

1/ la double personnalité n’a rien à voir avec la schizophrénie, contrairement à la croyance populaire et à la doxa.

2/ on dispose du témoignage du psychologue Alain Penin qui a plus de compétences en examen psychiatrique que des policiers de la DCRI ou des journalistes :
interview du psychologue qui a expertisé Mohamed Merah en prison suite d’un refus d’obtempérer à un contrôle routier.
Le psychologue a réalisé l’expertise de Mohamed Merah en 2009. Il a livré à l’AFP sa perception du jeune homme.

Voici ce qu’il dit :

. Mohamed Merah « est aussi influencé par l’arrivée d’un beau-père «avec un profil de radical islamiste» dans son cercle familial. »

. « conduites antisociales »
. « troubles anxieux assez importants »
. « dispositions anti-sociales : vol, sacs volés à l’arraché, agressions »
. « passages à l’acte (violents) pour gérer ses sentiments abandonniques » (les parents de Mohamed Merah ont divorcé quand il avait 5 ans et son père est reparti en Algérie quand Mohamed Merah était adolescent)
. « narcissique »
. « garçon extrêmement fragile, anxieux, en difficulté, très fragile affectivement, avec une organisation un peu névrotique de sa personnalité ».
(note : la névrose et les psychoses, comme la schizophrénie, sont 2 choses différentes)
. « plusieurs pôles de personnalité »

Voici un autre témoignage de psychiatre :

« Psychopathe ? Ça veut tout et rien dire, résume le docteur Bertrand Garnier, dans La Voix du Nord. Il y a des maladies mentales bien identifiées (schizophrénie, maladie bipolaire…) et il y a des personnes qui ont des troubles de la personnalité, plus ou moins proches de la norme. » Mohamed Merah « a manifestement un trouble de la personnalité, mais on ne peut pas affirmer qu’il avait une maladie mentale (des voix dans la tête…) sans l’avoir examiné. »

Il faut plutôt rapprocher Mohamed Merah des « born again christians » pour comprendre son salafisme et son retour à la religion de ses parents algériens.

DONC STOP AUX AMALGAMES, LES SCHIZOPHRENES NE VEULENT PAS ETRE ASSIMILES A MOHAMED MERAH.

Parler de « folie » à la rigueur, c’est un mot tellement vague dans lequel ne se reconnaissent plus les schizophrènes et que n’emploient plus les psychiatres pour parler des schizophrènes.


Mohamed Merah, un "profil atypique" par Europe1fr

Profil psychologique de Mohammed Merah sur l’article de Wikipedia qui lui est consacré :

Selon une étude réalisée le 15 janvier 2009, par le psychologue clinicien Alain Penin, expert agréé par la Cour de cassation, Mohammed Merah est un jeune « fragile affectivement », « introverti » et « anxieux » mais sans « troubles pathologiques »344. « L’intéressé justifie de mesures d’encadrement et de surveillance strictes »345. Le 26 avril 2011, une note de la DCRI fait état de son « comportement paranoïaque »346. Dans une conférence de presse tenue le 21 mars 2012, le procureur de Paris François Molins estime que Mohammed Mérah présente un « profil violent » dès l’enfance, des « troubles du comportement quand il était mineur, compatibles avec l’extrême violence des faits » qu’il a commis depuis lors347 348 349. Gérard Lopez, psychiatre, fondateur de l’institut de la victimologie, à Paris considère le jeune islamiste comme un psychopathe: « Mohamed Merah avait une personnalité fragile, avec un important problème identitaire et narcissique. Mais c’est la froideur et le manque d’empathie qui caractérisent le psychopathe qui a souvent un passé de délinquance précoce »350.

Méconnu ou tabou, le handicap psychique fait peur aux entreprises

AFP Publié le 18/11/2011 à 19:43

Reconnu depuis peu, le handicap psychique, dont souffrent environ 600.000 personnes en France, reste tabou dans les entreprises, souvent démunies face à ces troubles, ce qui complique l’embauche et le maintien dans l’emploi.

Ce handicap, distinct du handicap mental, n’a été officiellement reconnu que dans la loi de 2005. Une reconnaissance qui ne s’est toutefois accompagnée d’aucune définition.

Le handicap psychique est la conséquence de diverses maladies: les psychoses, et en particulier la schizophrénie, le trouble bipolaire, les troubles graves de la personnalité ou encore certains troubles névrotiques graves comme les TOC (troubles obsessionnels compulsifs).

Selon les associations, environ 600.000 personnes en France souffrent de troubles psychiques, qui affectent leurs relations ou leur comportement au travail. Et un tiers des Français vont être confrontés, directement ou dans leur entourage, à ce handicap.

Or « il y a dans les entreprises une incompréhension totale de ce handicap », a estimé Diane Flore Depachtère, dirigeante de DFD Consulting, cabinet spécialisé dans les politiques de diversité, lors d’un colloque organisé jeudi par le groupe Mornay.

« Les préjugés sont nombreux », a-t-elle détaillé: « les DRH craignent que les personnes recrutées atteintes de ces troubles fassent des +pétages de plombs+ sur les lieux de travail, que le taux de suicide explose… »

Soumises à des obligations d’emplois de personnes handicapées, les entreprises pensent d’abord à embaucher des handicapés moteurs, a confirmé Karine Reverte, directrice du Comité de coordination action handicap, lors du colloque.

Celles qui sont confrontées au handicap psychique semblent parfois démunies face à ces incidences au travail. « On est en veille permanente », a témoigné Dominique Bourbier, responsable d’équipe chez Orange.

Evoquant le cas d’un salarié « en poste depuis trois ans, et dont les soucis s’aggravent », elle a détaillé ses difficultés d’insertion professionnelle: « il met en moyenne 15 minutes à s’installer et 40 minutes à préparer ses affaires pour partir ».

« Cela crée des tensions avec ses collègues, qui ne comprennent pas la maladie avec ses obsessions, ses contrôles, les arrêts de travail à répétition, ou le fait qu’il redemande sans cesse si son travail est bien fait », a-t-elle raconté. « Toute l’ambiguité de la situation, c’est qu’on sent qu’il a besoin de travailler et qu’il veut toujours bien faire », a ajouté Mme Bourbier.

En effet, la travail se révèle être une expérience bénéfique pour les personnes en situation de handicap psychique, soulignent les associations.

Mais « les entretiens d’embauche sont souvent vécus comme une barrière infranchissables », a souligné Marli Stiefattre, responsable à l’association d’entraide « Vivre ». « L’idée d’expliquer ses troubles dans un CV, la crainte des réactions de l’employeur sont autant de freins pour les demandeurs d’emplois », a-t-elle expliqué.

Résultat: le taux de chômage des personnes atteintes de troubles psychiques, impossible à mesurer, serait « massif ».

Difficulté supplémentaire, le salarié n’est pas toujours conscient de sa pathologie ou ne la déclare pas.

Or « pour réussir une intégration professionnelle, il faut pouvoir aménager les postes et le rythme de travail, donc bien connaître l’état de santé du salarié », a souligné Bruno Benyounes, médecin du travail chez Sanofi.

Selon les professionnels du sujet, qui ont tous insisté sur l’importance de l' »accompagnement », les personnes ont plus de facilité à parler de leur handicap lorsqu’elles « se sentent en confiance ».

« Leur devenir ne dépend pas seulement de l’évolution de la maladie mais aussi de leur environnement au travail », a notamment insisté Bernard Pachoud, psychiatre et chercheur au CNRS.

article paru sur LePoint.fr le 18 novembre 2011.

Hors série du magazine « Sciences et vie » de juin 2011 spécial « psy »

SOMMAIRE

La folie à travers les âges

6 De l’Antiquité à nos jours, les « insensés » ont longtemps suscité peur, rejet et questionnements, avant que naisse la psychiatrie à la fin du XIXème siècle…Retour en images sur 2500 ans de folie.

COMPRENDRE

22 Les troubles mentaux en chiffres
L’état des lieux de l’épidémiologie psychiatrique, dans le monde et en France

28 Le défi de la classification
Zoom sur la bible des troubles mentaux, le DSM-IV.

38 La part trouble de l’hérédité
Sommes-nous génétiquement prédisposés à l’autisme ou à la schizophrénie ? Enquête.

44 La folie vue de l’intérieur
Quand la neuroimagerie permet de « voir » les troubles mentaux.

50 Les neurones en flagrant délit de dérapage
Décoder les rouages du cerveau : le grand défi de la neurobiologie.

56 11 troubles mentaux passés au crible
Causes, symptômes et traitement de la dépression, la dyslexie, l’hyperactivité, les phobies, les TOC, l’anorexie mentale, l’addiction, le stress post-traumatique, la schizophrénie, les troubles bipolaires et l’autisme.

SOIGNER

84 Médicaments : la chimie peut-elle faire des miracles ?
Que valeent vraiment les psychotropes et autres antidépresseurs ?

96 Psychanalyse : une pratique sur la sellette
Quand l’efficacité thérapeutique des « psys » suscite la polémique

106 Electrochocs : remède sous haute tension
le recours à la neurostimulation est en plein essor. Reportage

112 Psychiatrie : à l’aube d’une révolution culturelle
Zoom sur les nouvelles stratégies des médecins pour mieux soigner

EXPLORER

120 Universelle folie ?
Etre fou ne signifie pas partout la même chose. Démonstration en forme de tour du monde.

128 L’homme, seul animal doué de déraison ?
A la découverte des troubles du comportement qui frappent aussi les animaux.

134 Le génie de la folie créatrice
Les affres de l’esprit favorisent-elles les éclairs de génie ? Retoursur des êtres d’exception

142 Quand l’art devient brut
Zoom sur ces oeuvres qui défient toute norme esthétique.

Chat avec Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNaPsy)

LEMONDE.FR | 19.04.10 | 17h32 • Mis à jour le 20.04.10 | 18h02

L’intégralité du débat avec Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNaPsy), mardi 20 avril 2010, est sur le site du journal Le Monde et ci-dessous.

Claude Finkelstein est présidente de la Fédération nationale des patients en psychiatrie.

guilmard : Comment concevoir une hospitalisation psychiatrique à domicile ? Quelle organisation ? Quels objectifs ? Pour quels types de maladies ?

Mme Claude Finkelstein : Pour moi, il n’y a pas d’hospitalisation psychiatrique à domicile, il y a des soins à domicile, des soins acceptés ou sous contrainte. Cela correspond à des visites à domicile d’infirmiers psychiatriques et/ou de psychiatres ; pour les soins sous contrainte, évidemment ce sera plutôt des molécules retard. Par exemple une injection par mois pour les maladies les plus difficiles.

L’objectif : des soins de meilleure qualité si le patient accepte qu’ils soient faits à domicile. Pour quels types de maladie ? Pour les maladies qui nécessitent des soins au long cours et réguliers, comme les psychoses : la schizophrénie, les troubles maniaco-dépressifs, etc.

NRF : Qu’appelle-t-on des molécules retard ?

Comme pour les autres pathologies, par exemple le diabète, il existe des molécules qui sont administrées une fois et qui font de l’effet pendant huit à quinze jours, voire un mois.

guilmard : Cela voudrait-il dire que, sur simple appel téléphonique d’un membre de l’entourage, que la personne soit majeure ou non, un psychiatre pourrait se déplacer au domicile de la personne en situation de mal-être ?

C’est déjà le cas. Souvent, pour les personnes qui sont en déni de maladie, l’entourage peut faire appel à un professionnel, qui décidera si oui ou non une hospitalisation sous contrainte doit être proposée.

Guest : L’hospitalisation « hors de l’hôpital », à défaut d’être « à domicile », n’est-elle pas déjà une réalité lorsque l’on voit le nombre de personnes que les hôpitaux psychiatriques ne « gardent » pas au-delà de quelques jours ?

Il faut faire la différence entre l’hospitalisation et les soins sous contrainte. Là, on parle de soins sous contrainte en ambulatoire. Je ne pense pas que l’hospitalisation hors de l’hôpital soit déjà une réalité. Ces maladies sont des maladies qui se soignent très bien hors de l’hôpital.

croisettes : Pensez vous réellement qu’un patient inconscient de ses troubles acceptera une prise en charge à domicile régulière ? N’y verra t-il pas au contraire une possibilité d’échapper à l’hospitalisation ?

Un patient peut être inconscient de ses troubles lors d’une crise, ce qui ne veut pas dire qu’il est totalement inconscient de la maladie qu’il subit. Certains accepteront cette prise en charge à domicile régulière afin de ne pas être dans un hôpital. C’est un choix personnel.

Alain : De moins en moins de lits, de moins en moins de professionnels, de moins en moins de moyens, de plus en plus de patients…comment faire ?

Je ne suis pas sûre que la réponse aux patients soit obligatoirement des lits. Ceux-ci sont la plupart du temps utilisés pour les patients dits « au long cours », qui devraient bénéficier de structures alternatives. Nous avons le plus fort taux de psychiatres au nombre d’habitants en Europe, et également un des plus forts taux de suicides. Il me semble que c’est plus une question d’organisation, et surtout de prévention.

guilmard : Faut-il, comme cela se passe actuellement, attendre les tentatives de suicides, pour que les malades, inconscients alors, soient enfin pris en charge, ou aient enfin un début de prise en charge…

C’est le grand problème : nous n’avons aucun système de prévention, aucun système de politique de santé publique sur la santé mentale, et une grande difficulté de réponse à la demande.

laurent : Est ce envisageable lors d’épisodes maniaques ?

D’abord il faut une hospitalisation à l’hôpital, avec une observation et une discussion avec la personne pour voir si un retour au domicile peut être envisagé avec prise de molécules.

leoniedas : Vous êtes donc pour la fermeture des centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie ?

Je l’étais, mais je le suis beaucoup moins depuis que j’ai visité régulièrement des services psychiatriques en hôpital général. Je suis pour de petites unités, genre cliniques publiques, à taille humaine, mais spécialisées en psychiatrie. Parce que dans les hôpitaux généraux, le service psychiatrique est le parent pauvre, on lui retire du personnel, on n’envisage pas de rénovation.

croisettes : La prise en charge hors les murs demande des moyens humains importants. Vont-ils être pris sur les moyens alloués à l’intra hospitalier ? Si oui où est le bénéfice ?

Pour l’usager, le bénéfice est important s’il accepte d’être soigné chez lui : pas de désocialisation, pas de stigmatisation… Je ne pense pas qu’actuellement il y ait plus de moyens donnés à la psychiatrie, comme aux hôpitaux généraux. C’est une question de société.

Ricardo 2009 : L’hospitalisation à domicile est-elle possible pour des patients psy ne voulant rien du tout, tels les SDF ? Qui pourrait assurer leur securité ? Les soignants, les flics ?

Toute hospitalisation ou soins sous contrainte est possible pour les personnes dangereuses pour elles ou pour les autres. Les soignants sont là pour assurer la sécurité, l’humanité et le soin.

Marguerite : Il y a quelques années, j’ai dû faire interner quelqu’un de ma famille pour des délires. Cette personne a eu ensuite des soins en centre ouvert et un traitement médicamenteux. Je n’ai jamais pu avoir de diagnostic de la maladie. Cela pose des problèmes car la famille ne sait pas comment se comporter et comment réagir à la suite de délires et
visions résurgentes. Que faire ?

La personne soignée peut demander l’accès direct à son dossier médical dans lequel il devrait en principe y avoir un diagnostic. Ce qui vous permettrait de faire des recherches sur la maladie. En psychiatrie, nous souffrons terriblement du manque d’information sur le diagnostic, sur la maladie. Les familles, les proches souffrent également de non-information sur ce qui se passe, sur ce qu’ils pourraient faire pour aider la personne. Je pense que c’est très grave.

Jackie : Nous sommes une association d’usagers (1991) de la psychiatrie, forte de plus de 120 membres, et nous n’avons même pas la possibilité d’être reconnu comme groupe d’entraide mutuelle (GEM). Pourquoi et comment faire ?

Un groupe d’entraide mutuelle est composé d’usagers en psychiatrie et fonctionne comme un club de soutien et d’entraide. Nous avons obtenu, par la loi du 11 février 2005, qu’une aide soit accordée à ce type de clubs. Cette subvention, d’un montant maximum de 75 000 euros par an, leur permet de trouver un local et d’avoir deux animateurs pour les aider dans la vie de tous les jours. Il en existe actuellement 343 sur toute la France, mais de nouvelles créations ne sont pas encore envisagées.

Ludovic : Comment la liberté des individus est-elle preservée dans le cadre d’une hospitalisation sous contrainte à domicile ?

Les soins sous contrainte sont une atteinte à la liberté « pour le bien du patient ». C’est la difficulté en psychiatrie, justement, ces soins indispensables parfois qui touchent à la liberté de chacun. A domicile, pour nous, les soins sous contrainte ne peuvent être que proposés et acceptés par la personne qui est hospitalisée sans son consentement. Nous passons actuellement d’une loi qui permet l’hospitalisation sans consentement à une loi qui instaurerait les soins sous contrainte.

Marguerite : Quels sont les moyens proposés aux familles pour pouvoir aider leurs malades ? Pourquoi ce refus des psychiatres de parler aux familles ? Finalement ce sont eux qui font perdurer le « tabou » de la maladie. Quand un membre de la famille a une maladie grave ou autre, on est au courant, et là rien, le grand silence…. Si les points de vue du « public » ont évolué , celles des praticiens en aucune façon…

Les familles connaissent les maladies des personnes si celles-ci sont d’accord, et ce, quelle que soit la pathologie. En revanche, en cas d’hospitalisation psychiatrique, en cas de maladie et de crise, il serait indispensable que les psychiatres rencontrent les familles en dehors du patient et leur expliquent ce qu’est la maladie, les moyens de la combattre, et leur donnent un soutien.

FF38 : Pourquoi donner plus de moyens aux Unités pour malades difficiles (UMD) et aux Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les détenus alors que les schizophrènes qui prennent leur traitement en ont besoin aussi : appartements thérapeutiques, allocation autonomie handicapé (AAH) à laquelle ils ont droit mais qu’ils ont du mal à obtenir…

Les moyens ne viennent pas des mêmes « enveloppes ». Il y a les moyens pour la santé et les moyens pour le social et le médico-social. Cela devrait s’arranger avec les agences régionales de santé (ARS). Je suis d’accord avec vous, mais il faut des unités pour malades difficiles dans certains cas.

Alexandre : Que pensez vous du modèle scandinave, qui sacrifie parfois l’hospitalisation à proprement parlé pour des soins à domicile 2.0 (avec Webcam et matériel domestique par exemple) ?

On y arrivera, je pense, mais nous ne sommes pas encore prêts. En psychiatrie, les moyens humains sont indispensables car il s’agit de maladies de l’être, la relation est primordiale.

Ludovic : Est-ce que ces médicaments ne servent pas simplement à annihiler la volonté de la personne malade ?

Vous parlez de la camisole chimique. Les médicaments sont parfois indispensables pour calmer la souffrance. Il ne faut pas l’oublier. En revanche, les effets secondaires sont souvent perçus comme une atteinte à notre liberté et à notre volonté. Il faudrait pouvoir discuter avec les soignants des molécules administrées.

Alexandre : Pensez vous que l’amélioration de la condition des malades soignés et de leur réinsertion doit aussi passer par une sensibilisation de ceux en bonne santé ?

Oui, dans l’absolu. Reste à savoir ce que c’est que d’être en bonne santé. Où est la frontière dans notre société ? En revanche, une campagne de déstigmatisation est indispensable. La société a toujours peur de la folie, de ce qui ne se maîtrise pas.

Pour en finir avec la “schizophobie”, par Vincent Girard et Claude Lefebvre

La tribune ci-dessous a été publiée dans le journal Le Monde en août 2008 :

En décembre 2004 à l’hôpital psychiatrique de Pau, deux infirmières étaient assassinées de façon spectaculaire par un ancien patient. Cet événement, hautement médiatisé, fit réagir le gouvernement, qui commanda deux rapports et lança, en février 2005, un nouveau plan santé mentale. Le budget 2005-2008 alla donc pour une grande partie dans la construction de “murs”. Un non-sens puisque 68 % du suivi psychiatrique est réalisé hors de l’hôpital. Paradoxalement, la grande majorité du personnel des services de psychiatrie publics travaille au sein d’un hôpital, et non pas dans la cité, où vivent pourtant les patients.

Les faits divers et la réaction de certains politiques renforcent les stéréotypes existants dans la population, qui lient meurtre et maladie mentale. Ainsi, une récente enquête du centre collaborateur OMS de Lille, réalisée sur plus de 40 000 Français, montre les amalgames forts qui existent dans les représentations sociales des Français entre meurtre, inceste, violence et folie et maladie mentale. Avec toutes les conséquences que cela a sur l’image de la psychiatrie. Des amalgames qu’il faut dénoncer car, en réalité, environ 95 % des meurtres sont commis par des personnes n’ayant aucune pathologie mentale !
En 2005, le rapport “Santé, justice et dangerosités”, proposait comme mesure nouvelle l’enfermement des détenus présentant des troubles de la personnalité et reconnus comme “encore dangereux”, une fois leur peine de prison réalisée, dans des “centres fermés de protection sociale”, de façon renouvelable tous les ans, et donc possiblement jusqu’à la mort. Cette proposition va bientôt être appliquée par le gouvernement.
Un rapport publié en mars 2005 sous la direction de l’anthropologue Anne Lovell soulignait pourtant : “Le risque attribuable aux personnes malades mentales (…) est faible, les taux estimés sont encore bien moindres si l’on décompte les troubles liés à l’alcool.
Les données scientifiques mettent en évidence la vulnérabilité d’une personne atteinte de schizophrénie, bien plus souvent victime d’agressions, de vols et de viols qu’une personne non malade. La prévalence des crimes violents envers les patients psychiatriques est 11,8 fois plus importante qu’en population générale. La prévalence des vols sur personnes est quant à elle 140 fois plus élevée. 40 % des personnes sans abri présentant une schizophrénie se sont fait agresser au cours des six derniers mois. Le risque pour une femme sans abri atteinte de schizophrénie d’être victime d’agression physique et de viol est tellement important que les chercheurs parlent d’expérience normative.
Ces violences dont sont victimes les sans-abri présentant une schizophrénie sont liées à leur grande vulnérabilité et à la stigmatisation de leur pathologie. Cette stigmatisation, entretenue par les médias, favorise le repli, l’isolement, le sentiment d’infériorité et conséquemment les suicides, très nombreux. La première des urgences en France est de développer le travail d’équipes mobiles de psychiatrie et de donner un logement et des possibilités de réinsertion aux sans-abri.
Il est significatif que la question de la maladie mentale soit abordée par la presse et les politiques à l’occasion d’un meurtre. La réaction du sénateur Demuynck, qui propose des mesures vigoureuses de placement, rappelle celle de M. Douste-Blazy, qui proposait plus de lits d’hospitalisation. Il existe aujourd’hui entre 300 000 et 500 000 personnes atteintes de schizophrénie en France qui n’ont jamais commis de meurtre. Elles ont des droits, notamment celui d’être protégées par le gouvernement des discriminations et des violences physiques et psychologiques dont elles sont victimes au quotidien.
Aujourd’hui le problème principal rencontré par ces personnes est celui de la stigmatisation et de l’exclusion. Elles demandent à être considérées comme tous les autres citoyens dans la cité. Nombre de personnes diagnostiquées avec une schizophrénie disposent d’un appartement, travaillent, payent des impôts, ont des activités sociales riches, fondent même des familles.
L’amalgame fait par le grand public, les médias et les politiques entre maladie mentale et violence doit cesser, car il est une violence de plus faite aux personnes malades. Cette idée reçue génère des peurs, des réactions de rejet qui entraînent de graves conséquences sur leur santé et sur leur vie. Cette “schizophobie”, comme la xénophobie et l’homophobie, doit être combattue. Une nouvelle loi de santé publique doit être votée, une loi qui aurait pour objectif de protéger les personnes concernées par la maladie mentale. Ce sont elles les premières victimes.

Vincent Girard, psychiatre
Claude Lefebvre, photographe

Article paru dans l’édition du Monde du 17.08.08.