Schizophrénie, troubles bipolaires ou autisme, la génétique bouscule les frontières

Schizophrénie, troubles bipolaires ou autisme se manifestent différemment, et pourtant les mêmes gènes peuvent prédisposer à plusieurs maladies mentales, soulevant la question de la frontière entre elles, expliquent des chercheurs.

L’équipe de Stéphane Jamain (Inserm – Fondation FondaMental) a par exemple identifié des variations génétiques spécifiques aux formes précoces (jusqu’à 21 ans) des troubles bipolaires (troubles maniaco-dépressifs). Le même gène avait déjà été impliqué dans les troubles de l’attention et de l’hyperactivité chez l’enfant.

Le “chevauchement” entre schizophrénie et troubles bipolaires est lui admis depuis plusieurs années. On voit ainsi davantage de schizophrènes dans les familles où les troubles bipolaires sont fréquents et vice-versa.

Plus récemment, des gènes impliqués dans la schizophrénie ont été retrouvés dans l’autisme.

Pour les chercheurs, ces chevauchements posent la question de la classification des maladies psychiatriques.

“Il faut arriver à redéfinir les maladies psychiatriques en fonction de nouveaux critères, pour arriver à des sous-catégories plus homogènes”, estime Stéphane Jamain.

Une nouvelle catégorie est ainsi apparue, les troubles schizo-affectifs. Elle pourrait correspondre à des patients bipolaires qui ont des idées délirantes comme dans la schizophrénie ou des patients schizophrènes qui sont également dépressifs.

Dans le trouble bipolaire, l’équipe de Stéphane Jamain a montré la spécificité des formes adultes précoces, plus familiales, plus graves et répondant moins bien aux traitements.

Le manuel de référence international des maladies psychiatriques, le DSM-IV, dont la dernière révision remonte à 15 ans, est en cours de réécriture. L’édition du DSM-V est attendue en 2013.

Premières causes de décès chez les 25-34 ans, les maladies psychiatriques affectent plus de 400 millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé.

Pour les malades, l’enjeu de la recherche est de pouvoir parvenir un jour à identifier des “marqueurs” des maladies mentales, qui permettraient un diagnostic objectif. Un peu comme la mesure de la glycémie dans le diabète ou de la tension artérielle dans l’hypertension.

Comme pour la majeure partie des maladies -à l’exception des maladies dites monogéniques comme la maladie de Huntington-, être porteur d’une variation génétique prédisposant à une maladie mentale ne veut pas dire qu’on va nécessairement développer cette maladie.

C’est la rencontre entre les gènes et des facteurs de risque extérieurs, les facteurs environnementaux, qui expliquerait la maladie. “Gènes et conditions environnementales sont intimement mélangées”, explique Jean-Antoine Girault, directeur de l’Institut du Fer à Moulin (Paris) et de l’Ecole des neurosciences de Paris-Ile-de-France.

Une vaste étude européenne sur l’interaction entre gènes et environnement dans la schizophrénie doit d’ailleurs être lancée prochainement.

La génétique a déjà contribué à “dédramatiser certaines maladies psychiatriques comme l’autisme”, en levant la culpabilité des mères, souligne Patricia Gaspar (Inserm – Institut du Fer à Moulin).

Créée en 2007, le fondation FondaMental fédère psychiatres et chercheurs appartenant à plus de soixante laboratoires de recherche et services hospitaliers sur l’ensemble de la France.

L’Institut du Fer à Moulin est un centre de recherche de l’Inserm et de l’Université Pierre et Marie Curie orienté sur le développement et la plasticité du cerveau.

De Véronique MARTINACHE (AFP)