avec la secrétaire d’Etat à la santé Nora Berra
Lien vers la page de l’émission pour la réécouter :
http://www.franceculture.com/emission-du-grain-a-moudre-psychiatrie-le-grand-retour-en-arriere-2011-05-09.html
Lien vers la page de l’émission pour la réécouter :
http://www.franceculture.com/emission-du-grain-a-moudre-psychiatrie-le-grand-retour-en-arriere-2011-05-09.html
L’émission ‘Enquête exclusive’ ce soir à 22h45 sur M6 présentée par Bernard de La Villardière est consacrée à l’UMD (Unités pour Malades Difficiles) de Sarreguemines et aux urgences psychiatriques de Montpellier.
La vidéo a été supprimée de Dailymotion.
On pouvait craindre le pire de la part d’une émission racoleuse, réductrice, produite « à la chaîne » (il y a une émission enquête exclusive par semaine sur M6) dans l’urgence et non dans la durée en prenant le temps de comprendre.
On peut aussi regretter que l’émission, encore une fois*, ne s’intéresse qu’aux cas de schizophrénies les plus graves (ceux traités dans les UMD) et non à la réinsertion des schizophrènes ou à leur vie professionnelle, familiale ou affective.
* Émissions de radio ou de télévision déjà consacrées aux UMD :
– émission de radio sur l’UMD (Unité pour Malades Difficiles) de Villejuif
– sujet sur les UMD dans le JT de 20 heures de France 2 du 31 janvier 2010
– émission de Public Sénat sur les UMD et les appartements thérapeutiques
LEMONDE.FR | 19.04.10 | 17h32 • Mis à jour le 20.04.10 | 18h02
L’intégralité du débat avec Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNaPsy), mardi 20 avril 2010, est sur le site du journal Le Monde et ci-dessous.
Claude Finkelstein est présidente de la Fédération nationale des patients en psychiatrie.
guilmard : Comment concevoir une hospitalisation psychiatrique à domicile ? Quelle organisation ? Quels objectifs ? Pour quels types de maladies ?
Mme Claude Finkelstein : Pour moi, il n’y a pas d’hospitalisation psychiatrique à domicile, il y a des soins à domicile, des soins acceptés ou sous contrainte. Cela correspond à des visites à domicile d’infirmiers psychiatriques et/ou de psychiatres ; pour les soins sous contrainte, évidemment ce sera plutôt des molécules retard. Par exemple une injection par mois pour les maladies les plus difficiles.
L’objectif : des soins de meilleure qualité si le patient accepte qu’ils soient faits à domicile. Pour quels types de maladie ? Pour les maladies qui nécessitent des soins au long cours et réguliers, comme les psychoses : la schizophrénie, les troubles maniaco-dépressifs, etc.
NRF : Qu’appelle-t-on des molécules retard ?
Comme pour les autres pathologies, par exemple le diabète, il existe des molécules qui sont administrées une fois et qui font de l’effet pendant huit à quinze jours, voire un mois.
guilmard : Cela voudrait-il dire que, sur simple appel téléphonique d’un membre de l’entourage, que la personne soit majeure ou non, un psychiatre pourrait se déplacer au domicile de la personne en situation de mal-être ?
C’est déjà le cas. Souvent, pour les personnes qui sont en déni de maladie, l’entourage peut faire appel à un professionnel, qui décidera si oui ou non une hospitalisation sous contrainte doit être proposée.
Guest : L’hospitalisation « hors de l’hôpital », à défaut d’être « à domicile », n’est-elle pas déjà une réalité lorsque l’on voit le nombre de personnes que les hôpitaux psychiatriques ne « gardent » pas au-delà de quelques jours ?
Il faut faire la différence entre l’hospitalisation et les soins sous contrainte. Là, on parle de soins sous contrainte en ambulatoire. Je ne pense pas que l’hospitalisation hors de l’hôpital soit déjà une réalité. Ces maladies sont des maladies qui se soignent très bien hors de l’hôpital.
croisettes : Pensez vous réellement qu’un patient inconscient de ses troubles acceptera une prise en charge à domicile régulière ? N’y verra t-il pas au contraire une possibilité d’échapper à l’hospitalisation ?
Un patient peut être inconscient de ses troubles lors d’une crise, ce qui ne veut pas dire qu’il est totalement inconscient de la maladie qu’il subit. Certains accepteront cette prise en charge à domicile régulière afin de ne pas être dans un hôpital. C’est un choix personnel.
Alain : De moins en moins de lits, de moins en moins de professionnels, de moins en moins de moyens, de plus en plus de patients…comment faire ?
Je ne suis pas sûre que la réponse aux patients soit obligatoirement des lits. Ceux-ci sont la plupart du temps utilisés pour les patients dits « au long cours », qui devraient bénéficier de structures alternatives. Nous avons le plus fort taux de psychiatres au nombre d’habitants en Europe, et également un des plus forts taux de suicides. Il me semble que c’est plus une question d’organisation, et surtout de prévention.
guilmard : Faut-il, comme cela se passe actuellement, attendre les tentatives de suicides, pour que les malades, inconscients alors, soient enfin pris en charge, ou aient enfin un début de prise en charge…
C’est le grand problème : nous n’avons aucun système de prévention, aucun système de politique de santé publique sur la santé mentale, et une grande difficulté de réponse à la demande.
laurent : Est ce envisageable lors d’épisodes maniaques ?
D’abord il faut une hospitalisation à l’hôpital, avec une observation et une discussion avec la personne pour voir si un retour au domicile peut être envisagé avec prise de molécules.
leoniedas : Vous êtes donc pour la fermeture des centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie ?
Je l’étais, mais je le suis beaucoup moins depuis que j’ai visité régulièrement des services psychiatriques en hôpital général. Je suis pour de petites unités, genre cliniques publiques, à taille humaine, mais spécialisées en psychiatrie. Parce que dans les hôpitaux généraux, le service psychiatrique est le parent pauvre, on lui retire du personnel, on n’envisage pas de rénovation.
croisettes : La prise en charge hors les murs demande des moyens humains importants. Vont-ils être pris sur les moyens alloués à l’intra hospitalier ? Si oui où est le bénéfice ?
Pour l’usager, le bénéfice est important s’il accepte d’être soigné chez lui : pas de désocialisation, pas de stigmatisation… Je ne pense pas qu’actuellement il y ait plus de moyens donnés à la psychiatrie, comme aux hôpitaux généraux. C’est une question de société.
Ricardo 2009 : L’hospitalisation à domicile est-elle possible pour des patients psy ne voulant rien du tout, tels les SDF ? Qui pourrait assurer leur securité ? Les soignants, les flics ?
Toute hospitalisation ou soins sous contrainte est possible pour les personnes dangereuses pour elles ou pour les autres. Les soignants sont là pour assurer la sécurité, l’humanité et le soin.
Marguerite : Il y a quelques années, j’ai dû faire interner quelqu’un de ma famille pour des délires. Cette personne a eu ensuite des soins en centre ouvert et un traitement médicamenteux. Je n’ai jamais pu avoir de diagnostic de la maladie. Cela pose des problèmes car la famille ne sait pas comment se comporter et comment réagir à la suite de délires et
visions résurgentes. Que faire ?
La personne soignée peut demander l’accès direct à son dossier médical dans lequel il devrait en principe y avoir un diagnostic. Ce qui vous permettrait de faire des recherches sur la maladie. En psychiatrie, nous souffrons terriblement du manque d’information sur le diagnostic, sur la maladie. Les familles, les proches souffrent également de non-information sur ce qui se passe, sur ce qu’ils pourraient faire pour aider la personne. Je pense que c’est très grave.
Jackie : Nous sommes une association d’usagers (1991) de la psychiatrie, forte de plus de 120 membres, et nous n’avons même pas la possibilité d’être reconnu comme groupe d’entraide mutuelle (GEM). Pourquoi et comment faire ?
Un groupe d’entraide mutuelle est composé d’usagers en psychiatrie et fonctionne comme un club de soutien et d’entraide. Nous avons obtenu, par la loi du 11 février 2005, qu’une aide soit accordée à ce type de clubs. Cette subvention, d’un montant maximum de 75 000 euros par an, leur permet de trouver un local et d’avoir deux animateurs pour les aider dans la vie de tous les jours. Il en existe actuellement 343 sur toute la France, mais de nouvelles créations ne sont pas encore envisagées.
Ludovic : Comment la liberté des individus est-elle preservée dans le cadre d’une hospitalisation sous contrainte à domicile ?
Les soins sous contrainte sont une atteinte à la liberté « pour le bien du patient ». C’est la difficulté en psychiatrie, justement, ces soins indispensables parfois qui touchent à la liberté de chacun. A domicile, pour nous, les soins sous contrainte ne peuvent être que proposés et acceptés par la personne qui est hospitalisée sans son consentement. Nous passons actuellement d’une loi qui permet l’hospitalisation sans consentement à une loi qui instaurerait les soins sous contrainte.
Marguerite : Quels sont les moyens proposés aux familles pour pouvoir aider leurs malades ? Pourquoi ce refus des psychiatres de parler aux familles ? Finalement ce sont eux qui font perdurer le « tabou » de la maladie. Quand un membre de la famille a une maladie grave ou autre, on est au courant, et là rien, le grand silence…. Si les points de vue du « public » ont évolué , celles des praticiens en aucune façon…
Les familles connaissent les maladies des personnes si celles-ci sont d’accord, et ce, quelle que soit la pathologie. En revanche, en cas d’hospitalisation psychiatrique, en cas de maladie et de crise, il serait indispensable que les psychiatres rencontrent les familles en dehors du patient et leur expliquent ce qu’est la maladie, les moyens de la combattre, et leur donnent un soutien.
FF38 : Pourquoi donner plus de moyens aux Unités pour malades difficiles (UMD) et aux Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les détenus alors que les schizophrènes qui prennent leur traitement en ont besoin aussi : appartements thérapeutiques, allocation autonomie handicapé (AAH) à laquelle ils ont droit mais qu’ils ont du mal à obtenir…
Les moyens ne viennent pas des mêmes « enveloppes ». Il y a les moyens pour la santé et les moyens pour le social et le médico-social. Cela devrait s’arranger avec les agences régionales de santé (ARS). Je suis d’accord avec vous, mais il faut des unités pour malades difficiles dans certains cas.
Alexandre : Que pensez vous du modèle scandinave, qui sacrifie parfois l’hospitalisation à proprement parlé pour des soins à domicile 2.0 (avec Webcam et matériel domestique par exemple) ?
On y arrivera, je pense, mais nous ne sommes pas encore prêts. En psychiatrie, les moyens humains sont indispensables car il s’agit de maladies de l’être, la relation est primordiale.
Ludovic : Est-ce que ces médicaments ne servent pas simplement à annihiler la volonté de la personne malade ?
Vous parlez de la camisole chimique. Les médicaments sont parfois indispensables pour calmer la souffrance. Il ne faut pas l’oublier. En revanche, les effets secondaires sont souvent perçus comme une atteinte à notre liberté et à notre volonté. Il faudrait pouvoir discuter avec les soignants des molécules administrées.
Alexandre : Pensez vous que l’amélioration de la condition des malades soignés et de leur réinsertion doit aussi passer par une sensibilisation de ceux en bonne santé ?
Oui, dans l’absolu. Reste à savoir ce que c’est que d’être en bonne santé. Où est la frontière dans notre société ? En revanche, une campagne de déstigmatisation est indispensable. La société a toujours peur de la folie, de ce qui ne se maîtrise pas.
interview du psychiatre David Gourion dans l’émission le magazine de la santé sur France 5.
Magazine de la santé : bouffées délirantes aiguës par schizophrenie
Plus d’informations sur les BDA :
article de Wikipedia sur les bouffées délirantes aiguës
Arte a diffusé vendredi 7 mai 2010 en 2e partie de soirée un film documentaire sur l’hôpital psychiatrique Ste-Anne à Paris.
On peut revoir le documentaire en entier en 11 parties sur ce site bipolaire.blogintelligence.fr
Passé cette date, on peut encore
voir des extraits du documentaire sur www.arte.tv.
Le film documentaire se veut esthétique : il n’y a pas de voix-off pour faire des commentaires.
Commentaire
On peut regretter que le réalisateur s’attarde sur le cas d’un psychopathe.
Deux autres patientes, une schizophrène et une angoissée sont filmées ainsi qu’un patient.
Mais Ste-Anne filmée dans la durée (3 mois de tournage) et restituée dans la longueur (1h30 de film) est assez rare. Cela vaut le coup d’en profiter. Et ça change des émissions ou des reportages des journaux télé sur les UMD (unités pour malades difficiles).
Ce film documentaire d’Ilan Klipper rappelle le documentaire de Serge Moati sur Ste-Anne aussi.
Arte a créé pour l’occasion un mini-site Internet sur arte.tv/psychiatrie avec ces pages Web :
– Tour d’horizon des systèmes psychiatriques en Europe (France, Allemagne, Italie, Espagne et au Royaume-Uni). C’est un article, écrit par un journaliste d’arte, sujet à caution avec des raccourcis et des points de vue subjectifs (dire par exemple que les électrochocs sont archaïques est faux, ils sont maintenant pratiqués sous anesthésie avec du matériel moderne).
– Interview du réalisateur Ilan Klipper
– Interview de Gérard Massé, chef de service d’une section fermée à l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne à Paris.
– Tribune du Docteur Michel Fouillet, psychiatre au centre hospitalier St Anne.
L’émission de M6 « 66 minutes » du 10 juin 2009 était consacrée à un hôpital psychiatrique (l’hôpital psychiatrique privé St-Jean-de-Dieu à Lyon) et à une Unité pour Malade Difficile (UMD), celle d’Avignon Montfavet.
L’émission est peut être visionnée sur Dailymotion en 3 parties ci-dessous :
«Fous dangereux» : vol au-dessus d'un nid de… par 20thcenturyfox
Commentaire
On peut regretter 2 choses :
– le titre racoleur « « Fous dangereux » : vol au-dessus d’un nid de coucou », même avec les guillemets
– le fait qu’un magazine de télévision s’intéresse encore aux UMD et pas aux dizaines de milliers schizophrènes qui essayent de travailler et vivre normalement.
Article scientifique sur les « Psychotiques à la rue« .
L’auteur, Olivier Jan est psychologue à l’UMAPPP (Unité mobile d’action psychiatrique pour personnes précarisées).
Le « talk-show » (programme télévisé de débat avec des experts) C dans l’air du mercredi 7 avril 2010 était consacrée à la schizophrénie. L’émission prenait pour prétexte l’affaire du pousseur du RER à Paris qui a tué un voyageur en le jetant sur les voies sous un train pour se consacrer à la dangerosité des schizophrènes et à la réponse des pouvoirs publics (réponses sanitaire, policière et judiciaire).
Quelques commentaires sur l’émission :
– L’émission était intéressante mais encore une fois on ne parle de la schizophrénie que sous l’angle de la dangerosité des malades.
Certes il ne faut pas nier le phénomène des pousseurs (1 en 2009 et 4 depuis le début de l’année 2010 mais dont seulement 1 sur les 4 est formellement considéré comme schizophrène, le dernier) ni les crimes commis par des schizophrènes mais ceux-ci sont rares.
On sait que la télévision ne parle pas des trains qui arrive à l’heure mais elle pourrait s’intéresser aux schizophrènes qui sont insérés dans la société et qui travaillent. Il n’y a pas eu de C dans l’air sur les schizophrènes non-dangereux, seulement une sur les exclus qui parlait du tiers de SDF qui ont des problèmes psychiatriques et qui sont mal ou pas soignés.
– Cela n’a été dit qu’à une seule reprise dans l’émission (par le psychologue et criminologue Jean-Pierre Bouchard) et aurait dû être répété : il y a 600 000 schizophrènes en France (1% de la population) et seulement quelques affaires de schizophrènes criminels (les schizophrènes commettent des crimes en même proportion que les personnes non-malades et beaucoup de meurtres (passionnels, crapuleux, règlements de compte, vengeance,…) sont commis par des personnes saines).
– Cela n’a été rappelé que 2 fois brièvement (1 fois lors du débat et 1 fois par un téléspectateur qui a fait cette remarque par SMS) mais la majorité des schizophrènes ne sont pas dangereux. Et certains qui peuvent être dangereux ne le sont plus quand ils sont soignés.
– Les schizophrènes sont le plus souvent victimes que coupables de violences et de crimes à cause des nombreux schizophrènes qui vivent dans la rue, par choix ou faute de place ambulatoire dans les hôpitaux psychiatriques (depuis 30 ans, aussi à cause des progrès des médicaments, de nombreux lits ont fermé) ou des appartements thérapeutiques.
– Les 2 psychiatres (Pierre Lamothe et Jean-Pierre Olié) et l’ancien magistrat (Bruno Thouzellier) renvoient la patate chaude de la prise en charge des malades potentiellement dangereux (quand un malade ne prend plus son traitement et rechute en faisant une crise avec Bouffée Délirante Aiguë (BDA)) :
. Les médecins de famille ne veulent pas faire de certificat médical pour une Hospitalisation à la Demande d’un Tiers (HDT) ou une Hospitalisation d’Office (HO) pour ne pas se fâcher avec un patient/client qui pourrait leur en vouloir après (je ne crois pas à cette excuse, la plupart des patients stabilisés sont redevables après coup à leur médecin de les avoir soignés sans leur consentement parce qu’ils en avaient besoin et les remercient pour cela).
. Les pompiers qui, malgré leur formation médicale, ne veulent souvent pas intervenir.
. Les policiers et les gendarmes qui ne veulent pas intervenir sans passage à l’acte ou flagrant délit.
. Les psychiatres des CMP (Centres médico-psychologiques) qui souvent ne veulent pas signer de certificat mécal pour une HO car l’esprit de la loi est que c’est à un psychiatre autre que le psychiatre qui suit le malade de signer ce certificat.
. Les maires de communes qui parfois ne veulent pas signer l’arrêté municipal d’HO, ne connaissant pas leur administré concerné ou n’étant pas disponibles la nuit pour venir aux urgences psychiatriques d’un hôpital.
Espérons que chacun prenne ses responsabilités quitte à ce qu’une nouvelle loi (celle en préparation) clarifie les obligations de chacun en cas de danger potentiel.
Autre chose intéressante dans l’émission, un reportage sur l’Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (UHSA) de Bron-Le Vinatier dans le Rhône, premier hôpital-prison de France (à ne pas confondre avec les UMD, Unité pour Malades Difficiles).
Encore un sujet sur les UMD (Unités pour Malades Difficiles), cette fois-ci sur celle de Plouguernével en Bretagne.
On peut regretter et s’insurger contre le fait que tous les JT et beaucoup de médias ne s’intéressent qu’aux UMD (Unité pour Malades Difficiles) et donc aux malades qui vont mal et ceux qui peuvent être dangereux. Pas aux malades qui essaient de se réinsérer et qui ont du mal à trouver un appartement thérapeutique ou du mal à bénéficier de l’AAH (Allocation Adulte Handicapé).
Voici tous les sujets consacrés aux UMD depuis à peine 3 mois :
– enquête exclusive sur les UMD et les urgences psychiatriques
– émission de Public Sénat sur les UMD et les appartements thérapeutiques
– émission de radio sur l’UMD de Villejuif
– sujet sur les UMD dans le JT de 20 heures de France 2 du 31 janvier 2010
– sans compter le documentaire de l’agence CAPA passé sur France 3 « Que faire de nos fous ? » (qui commençait par un sujet sur cette même UMD de Plouguernével en Bretagne) mais non revisionnable en ligne gratuitement à notre connaissance
La tribune ci-dessous a été publiée dans le journal Le Monde en août 2008 :
En décembre 2004 à l’hôpital psychiatrique de Pau, deux infirmières étaient assassinées de façon spectaculaire par un ancien patient. Cet événement, hautement médiatisé, fit réagir le gouvernement, qui commanda deux rapports et lança, en février 2005, un nouveau plan santé mentale. Le budget 2005-2008 alla donc pour une grande partie dans la construction de “murs”. Un non-sens puisque 68 % du suivi psychiatrique est réalisé hors de l’hôpital. Paradoxalement, la grande majorité du personnel des services de psychiatrie publics travaille au sein d’un hôpital, et non pas dans la cité, où vivent pourtant les patients.
Les faits divers et la réaction de certains politiques renforcent les stéréotypes existants dans la population, qui lient meurtre et maladie mentale. Ainsi, une récente enquête du centre collaborateur OMS de Lille, réalisée sur plus de 40 000 Français, montre les amalgames forts qui existent dans les représentations sociales des Français entre meurtre, inceste, violence et folie et maladie mentale. Avec toutes les conséquences que cela a sur l’image de la psychiatrie. Des amalgames qu’il faut dénoncer car, en réalité, environ 95 % des meurtres sont commis par des personnes n’ayant aucune pathologie mentale !
En 2005, le rapport “Santé, justice et dangerosités”, proposait comme mesure nouvelle l’enfermement des détenus présentant des troubles de la personnalité et reconnus comme “encore dangereux”, une fois leur peine de prison réalisée, dans des “centres fermés de protection sociale”, de façon renouvelable tous les ans, et donc possiblement jusqu’à la mort. Cette proposition va bientôt être appliquée par le gouvernement.
Un rapport publié en mars 2005 sous la direction de l’anthropologue Anne Lovell soulignait pourtant : “Le risque attribuable aux personnes malades mentales (…) est faible, les taux estimés sont encore bien moindres si l’on décompte les troubles liés à l’alcool.”
Les données scientifiques mettent en évidence la vulnérabilité d’une personne atteinte de schizophrénie, bien plus souvent victime d’agressions, de vols et de viols qu’une personne non malade. La prévalence des crimes violents envers les patients psychiatriques est 11,8 fois plus importante qu’en population générale. La prévalence des vols sur personnes est quant à elle 140 fois plus élevée. 40 % des personnes sans abri présentant une schizophrénie se sont fait agresser au cours des six derniers mois. Le risque pour une femme sans abri atteinte de schizophrénie d’être victime d’agression physique et de viol est tellement important que les chercheurs parlent d’expérience normative.
Ces violences dont sont victimes les sans-abri présentant une schizophrénie sont liées à leur grande vulnérabilité et à la stigmatisation de leur pathologie. Cette stigmatisation, entretenue par les médias, favorise le repli, l’isolement, le sentiment d’infériorité et conséquemment les suicides, très nombreux. La première des urgences en France est de développer le travail d’équipes mobiles de psychiatrie et de donner un logement et des possibilités de réinsertion aux sans-abri.
Il est significatif que la question de la maladie mentale soit abordée par la presse et les politiques à l’occasion d’un meurtre. La réaction du sénateur Demuynck, qui propose des mesures vigoureuses de placement, rappelle celle de M. Douste-Blazy, qui proposait plus de lits d’hospitalisation. Il existe aujourd’hui entre 300 000 et 500 000 personnes atteintes de schizophrénie en France qui n’ont jamais commis de meurtre. Elles ont des droits, notamment celui d’être protégées par le gouvernement des discriminations et des violences physiques et psychologiques dont elles sont victimes au quotidien.
Aujourd’hui le problème principal rencontré par ces personnes est celui de la stigmatisation et de l’exclusion. Elles demandent à être considérées comme tous les autres citoyens dans la cité. Nombre de personnes diagnostiquées avec une schizophrénie disposent d’un appartement, travaillent, payent des impôts, ont des activités sociales riches, fondent même des familles.
L’amalgame fait par le grand public, les médias et les politiques entre maladie mentale et violence doit cesser, car il est une violence de plus faite aux personnes malades. Cette idée reçue génère des peurs, des réactions de rejet qui entraînent de graves conséquences sur leur santé et sur leur vie. Cette “schizophobie”, comme la xénophobie et l’homophobie, doit être combattue. Une nouvelle loi de santé publique doit être votée, une loi qui aurait pour objectif de protéger les personnes concernées par la maladie mentale. Ce sont elles les premières victimes.
Vincent Girard, psychiatre
Claude Lefebvre, photographe
Article paru dans l’édition du Monde du 17.08.08.